A Chloris
Reynaldo Hahn nous retranscrit musicalement et avec génie cet hymne à l’amour. Ce poème, légende carbonée de l’œuvre, nous offre un parti pris de cadrage sensitif puissant, et une légende emplie de l'émotion des vers de Théophile de Viau.
« S'il est vrai, Chloris, que tu m'aimes, mais j'entends, que tu m'aimes bien.
Je ne crois pas que les rois mêmes aient un bonheur pareil au mien.
Que la mort serait importune, à venir changer ma fortune pour la félicité des cieux !
Tout ce qu'on dit de l'ambroisie ne touche point ma fantaisie, au prix des grâces de tes yeux… »
Chloris, fausse impudique au regard clos, sort nue de l’onde grise et humide, ses cheveux jais relevés négligemment, témoins d’une nuit sans sommeil.
Les vifs aplats approximatifs ébène, mais aussi la toile de jute ajustée et singulière, comme une expression primaire avec ses fibres tissées de sisal, figures volantes de féminité et de sensualité, tel le tunnel de Baubô, promesse de l’éternel canal de vie…
"Laisser vivre l’accident" prend ici tout son sens : par une pluie de gouttelettes crème, son amant absent est évoqué en son dos et sa chute de reins, par une explosion de plaisir, une trace de désir. La magnificence d’une présence forte et fugace, fantomatique, invisible mais pourtant presque palpable, qui perdure comme un élixir de joie incarnée…
« Tout y parlerait, à l’âme en secret, sa douce langue natale.Là, tout n’est qu’ordre et beauté, luxe, calme et volupté. »
Charles Baudelaire - L’Invitation au Voyage